Une étude récente a révélé que l’usure des pneus est responsable d’une quantité significative de pollution par les particules, surpassant même celle des gaz d’échappement des voitures au Royaume-Uni. Cette information a surpris beaucoup de personnes, car la pollution liée aux pneus reste largement méconnue du grand public. Décryptage.

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La pollution des pneus : un danger sous-estimé

Ces minuscules particules, en plus de contenir des composés organiques potentiellement toxiques, y compris des agents cancérigènes, peuvent être inhalées ou ingérées, puis pénétrer dans notre circulation sanguine et atteindre nos organes. Ce processus peut avoir des conséquences néfastes sur la santé humaine.

Alors que de nombreuses réglementations internationales ciblent strictement les émissions provenant des gaz d’échappement des véhicules ou de l’industrie de la construction, la pollution par les particules de pneus est encore relativement peu réglementée.

Il est surprenant de noter que les pneus contribuent davantage à la pollution que d’autres composants de la voiture tels que la ceinture de sécurité, les matières plastiques ou les revêtements intérieurs.

Par ailleurs, il semble y avoir un manque d’intérêt de la part des autorités sanitaires mondiales pour mener une enquête approfondie sur ce sujet. Mais alors, quelle est l’ampleur du problème de la pollution des pneus?

À Paris, comme dans de nombreuses métropoles du monde, la question de la pollution de l’air est cruciale. Les véhicules, en raison de leur densité, jouent un rôle prépondérant dans cette pollution. Au-delà des gaz d’échappement, l’usure des pneus sur l’asphalte parisien ajoute un autre niveau de pollution. Des mesures pour réduire la circulation, telles que la mise en place de zones à faibles émissions ou l’encouragement de l’utilisation de moyens de transport alternatifs, peuvent aider à atténuer cette forme de pollution, mais il est essentiel d’approfondir la recherche et de sensibiliser le public à cette préoccupation croissante.

Les pneus : une source sous-estimée de pollution et de risques pour la santé

traces de pneus sur la route

Les pneus, composants essentiels de nos véhicules, sont principalement fabriqués à partir de caoutchouc synthétique, un dérivé du pétrole brut. Cette matière renferme de nombreux produits chimiques potentiellement nocifs. Avec les gestes habituels de conduite, comme le freinage, l’accélération ou le virage, les pneus s’usent et libèrent des particules dont certaines sont chargées en carbone.

Une étude récente a souligné l’impact massif de la pollution globale, attribuant à celle-ci 9 millions de décès chaque année, soit un décès sur six à l’échelle mondiale. Parmi les sources de cette pollution, les émissions de voitures sont particulièrement préoccupantes. Les experts établissent un lien entre ces émissions et de nombreuses maladies, allant du cancer à l’asthme, en passant par les pathologies cardiaques et les malformations congénitales.

Altin Lleshi, un éminent expert en environnement et durabilité à l’European Environmental Monitoring and Consultancy (EEMC) basé à Londres, a tiré la sonnette d’alarme sur un aspect souvent négligé de cette pollution : les particules provenant de l’usure des pneus. « Les pneus sont conçus à partir de sous-produits du pétrole et du charbon, des substances qui ne devraient certainement pas se retrouver dans notre organisme. Elles peuvent causer une multitude de problèmes de santé », a souligné Lleshi.

Il met en avant la finesse de ces particules, certaines mesurant à peine 2,5 microns de large, ce qui les rend capables de pénétrer profondément dans nos poumons. Qui plus est, les particules de moins de 23 nanomètres, en raison de leur extrême petitesse, posent un défi en matière de mesure et ne sont pas régulées ni aux États-Unis, ni dans l’Union Européenne.

L’intérêt de Lleshi pour ce problème est né d’une analyse environnementale qu’il a réalisée en 2007, avant le début des travaux à Heron Plaza. Bien que l’objet de cette analyse fût principalement les émissions des gaz d’échappement et la pollution des sites de construction, il a découvert que la pollution par les particules de pneus était omniprésente, y compris loin des routes.

Même si de récentes réglementations ont imposé des filtres plus efficaces sur les voitures neuves, réduisant considérablement les émissions de particules des gaz d’échappement, en particulier en Europe, la pollution issue des pneus reste largement sous-estimée. Emission Analytics, une firme indépendante, a révélé que les pneus émettent plus d’un billion de particules ultrafines par kilomètre parcouru. Ces particules contaminent aussi bien nos sols que nos océans, où les pneus sont identifiés comme la principale source de microplastiques, avec 270 millions de tonnes déversées annuellement.

Pour mettre les choses en perspective, Emissions Analytics précise que, par kilomètre, un pneu émet 36 milligrammes de particules, contre 0,02 mg pour les gaz d’échappement. Et ce chiffre s’aggrave avec une conduite agressive. Il est donc impératif de prendre en compte cette source de pollution dans nos politiques environnementales.

Quels types de véhicules contribuent le plus à la pollution par particules des pneus?

Le poids d’un véhicule joue un rôle prépondérant dans la quantité de particules émises par l’usure des pneus. Ainsi, les véhicules lourds, comme les poids lourds, sont au cœur du problème de pollution par particules. Par ailleurs, la tendance à la hausse du poids des voitures modernes, notamment avec la popularité grandissante des véhicules utilitaires sport (SUV), amplifie cette problématique.

En comparaison avec les voitures conventionnelles, les SUV sont nettement plus lourds. De plus, les véhicules électriques à batterie (BEV) présentent également des enjeux en matière d’usure des pneus. Bien que ces derniers soient reconnus pour leurs avantages environnementaux en termes d’émissions de gaz d’échappement, leur poids, souvent supérieur à cause des batteries, associé à un couple de roue élevé, peut les conduire à émettre davantage de particules de pneus que les voitures fonctionnant à l’essence, d’après certaines études. Il est donc essentiel de considérer l’ensemble du cycle de vie des véhicules, y compris l’usure des pneus, lors de l’évaluation de leur impact environnemental.

Quelles sont les mesures prises par les autorités concernant la pollution par particules de pneus ?

pollution par particules

Face à cette question de pollution par les particules de pneus, l’Union européenne envisage d’incorporer des limitations sur les émissions non liées à l’échappement dans sa future réglementation Euro 7, dont la mise en vigueur est prévue pour 2025.

La réglementation actuelle sur ce sujet est insuffisante. Altin Lleshi, ayant participé à d’importants projets d’infrastructure comme HS2, le Crossrail de Londres et la construction de la célèbre tour Shard, a indiqué à CGTN qu’aucune « étude de surveillance complète » n’a été menée sur la pollution des pneus.

Il précise : « Je reçois des demandes pour des moniteurs de qualité de l’air qui détectent des particules de PM10 » – soit dix millièmes de millimètre – « et PM2,5. Mais je n’ai jamais été sollicité spécifiquement concernant la pollution des pneus. » Selon lui, il est essentiel que des établissements d’enseignement supérieur renommés, tels que les universités de Londres, Oxford ou Cambridge, initient des études de longue durée sur cette forme de pollution. Des résultats provenant d’entités respectées pourraient persuader et influencer les décideurs politiques à l’échelle mondiale.

Lleshi estime que des organismes d’envergure mondiale, comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS), concentrent leur attention sur des problèmes communs aux pays développés et en développement. Ceci peut expliquer pourquoi la question de la pollution par particules de pneus, qui ne présente pas une uniformité d’impact global, est mise de côté. Par exemple, en Afrique, où de nombreuses routes ne sont pas asphaltées ou bétonnées, cette forme de pollution est moins significative. Lleshi suggère que les autorités locales du Royaume-Uni pourraient initier le changement, influençant progressivement le gouvernement central et, par extension, des entités comme l’OMS.

En conclusion, Lleshi insiste sur l’importance de la surveillance : « Lors de la mise en œuvre de tout projet de construction d’envergure moyenne à importante ou lors de la construction de nouvelles routes, une surveillance approfondie de la qualité de l’air, incluant la pollution par particules de pneus, devrait être rendue obligatoire. »

Des solutions existent pour combattre la pollution par particules de pneus ?

Face à l’urgence de la pollution par particules de pneus, des initiatives innovantes voient le jour. Parmi celles-ci, une start-up londonienne, Tire Collective, se distingue. Originaire d’un projet universitaire de l’Imperial College de Londres, elle met au point un mécanisme unique visant à intercepter et retenir les particules émanant des pneus.

Tire Collective a élaboré un dispositif amovible exploitant le flux d’air entourant une roue en mouvement pour guider et capturer les particules de pneus en suspension. Les tests ont montré son efficacité : en laboratoire, il a retenu 60% des particules. Une étude réalisée sur 5 000 kilomètres de routes suédoises, en collaboration avec un grand constructeur automobile européen, a corroboré ces résultats.

Selon Hansen Chang, co-fondateur de la start-up, le dispositif fait appel à l’électrostatique pour attirer les particules vers des plaques métalliques, le tout pendant que le véhicule est en déplacement. Cependant, la capture des particules ne suffit pas. Hugo Richardson, le directeur technique, précise que ces particules ne doivent pas simplement être jetées car elles pourraient, à terme, polluer l’environnement depuis une décharge. L’entreprise cherche donc à analyser ces particules en laboratoire pour déceler les contaminants présents et envisager d’éventuelles réutilisations.

D’ailleurs, l’un des objectifs de Tire Collective est de développer un système d’auto-nettoyage pour leur dispositif, minimisant ainsi l’intervention humaine pour le vider. Initialement, la start-up vise les entreprises exploitant de vastes flottes de véhicules avec des entretiens réguliers. À long terme, l’ambition est d’adapter leur innovation à tous types de véhicules.

En collaborant avec des sociétés de transport britanniques, la start-up travaille actuellement sur son troisième prototype et espère le lancer sur le marché d’ici 2024.